Dans les années entre 2 guerres, de grandes maisons d’éditions ont sorti des collections de romans illustrés, je parle principalement des collections Le Livre de demain des éditions Fayard et Le Livre moderne illustré des éditions Ferenczi. Cela correspondait a une demande de littérature disponible à bon prix.  

Mais leur succès est venu surtout des illustrations, qui étaient essentiellement des gravures sur bois. Aujourd’hui on considère que ce corpus de gravures (bois originaux) est de loin le plus important.

Graphistes et graveurs

Pour mettre en valeur ces collections, les 2 maisons d’édition avaient mis en place un marketing efficace et visuel. Fayard avait choisi une couverture jaune avec une typo noire (appelée Tango par les imprimeurs) pour bien accrocher le lecteur depuis l’étal des bouquinistes, et  la maison Ferenczi avait opté pour plus de créativité en faisant appel à un Directeur Artistique, Clément Serveau, qui créa une identité visuelle unique avec un motif très art déco pour la page de couverture. On compte plus de 600 titres parus pour ces 2 collections.

Lettrine en bois gravé d'E. Poirier
Cul de poule, Gravure de Pierre Falké,
Cul de poule , bois gravé de R. Grillon

Le choix de la gravure pour illustrer ces collections donnent des airs de noblesse à cette nouvelle littérature jusqu’alors accessible uniquement dans l’édition de luxe.

Les graveurs souvent « renommés » nous ont laissé une iconographie assez importante. Ces collections ne sont pas toujours accessibles sur Gallica, mais nous pouvons quand même avoir un aperçu des ressources qu’elles recèlent. D’ailleurs, le premier numéro du Livre de demainGaspard de René Benjamin,  illustré par Renefer a reçu le prix Goncourt. 

Encore aujourd’hui, un des titres les plus recherchés est Les aventures du Roi Pausole  de Pierre Louys avec les 28 gravures sur bois de Foujita.

Bien sûr, les avis divergent sur la valeur des illustrations et c’est sans compter l’utilisation et la reproduction qui pose  un réel problème de droit d’auteur.

« En l’absence d’archives sur ces collections, la question se pose de la reproduction de ces bois gravés, d’autant plus que les tirages cumulés de ces ouvrages pouvaient atteindre les 100 000 exemplaires. Il apparaît que les éditeurs et leurs imprimeurs utilisaient des « clichés » typographiques des ouvrages complets, permettant des rééditions à moindre coût. Les bois d’origine fournis par les artistes n’ont donc, vraisemblablement, pas été utilisés pour les impressions commerciales mais ont fait l’objet au préalable d’une reproduction en fac-similés métalliques par galvanoplastie, lesquels étaient ensuite intégrés aux « clichés » typographiques. Ces modalités d’impression ne paraissent pas avoir été spécifiques à ces collections. L’édition de demi-luxe, par exemple, qui a largement diffusé le bois gravé dans les années 1920, a dû utiliser les mêmes procédés. L’intitulé de « gravures sur bois originales » arboré par ces collections « grand public » a cependant donné lieu à controverses et même procès, compte tenu de ces modalités « mécaniques » de reproduction, dans un contexte où le milieu de l’édition de luxe n’appréciait qu’assez peu ces collections qui dévalorisaient leur métier. Il faut noter, enfin, qu’avec la disparition des archives de ces collections ce sont donc quelques dix mille bois gravés de l’entre-deux-guerres et autant de « clichés galvano » de ces bois qui ont a priori disparu… »
extrait de la revue Les  nouvelles de l’estampe 

De nouveaux styles

Il ne s’agissait plus d’illustrer de façon narrative un épisode du roman avec une légende, mais de traduire en dessin l’atmosphère du récit.

Bois gravé en couleurs d'Emmanuel Poirier pour Rédalga de Lucie Delarue-Mardrus , 1931 - ©Gallica
Bois gravé en couleurs de Clément Serveau 1927- extrait de Cantegril

L’analyse de l’ensemble des gravures a permis de démontrer une évolution dans le style passant du style académique à un style art déco, cubiste …

« La part de gravures « académiques » passe par un minimum relatif chez Fayard dans les années 1930 alors que cette proportion, plus élevée chez Ferenczi en 1923, n’a cessé de diminuer jusqu’en 1940. La ligne artistique de la collection Fayard paraît donc être passée par un apogée de « modernité » vers 1930 alors que celle de la collection Ferenczi n’a cessé d’évoluer, au point que Le Livre moderne illustré puisse faire figure de revue d’avant-garde dans les années 1936-1939  »   Nouvelles de l’estampe

Le Sel de la terre, bois de Louis Neillot, Le Livre Moderne Illustré no 302, Ferenczi, 1938, BnF, Tolbiac, 8-Z-22172(302) article L'estampe n°254
Jean Giono, Le Serpent d’étoiles, bois originaux de Gio Colucci, Le Livre Moderne Illustré no 278, Ferenczi, 1937, BnF, Tolbiac, 8-Z-22172(278) article L'estampe n°254

Je vous invite à lire l’article  bien documenté, Les gravures sur bois des collections Fayard (Le Livre de demain) et Ferenczi (Le Livre moderne illustré) de la revue Nouvelles de l’Estampe


2 commentaires

Jacques Boullaire, graveur - DESSIN OU PEINTURE · 15 décembre 2022 à 0 h 57 min

[…] dans les années 20, en faisant des gravures sur bois pour l’édition. C’est, dans les publications de l’époque, que l’on peut trouver ses illustrations. La revue Demain de la maison Ferenczi, qui publie […]

Le style graphique de Clement Serveau - DESSIN OU PEINTURE · 29 décembre 2022 à 21 h 15 min

[…] reconnu à la fin de sa carrière a été d’abord illustrateur-graveur et même directeur artistique pour les éditions Ferenczi. Il est connu aussi pour avoir dessiné  et gravé les  maquettes de billets de banque dans les […]

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